Deux maisons d’André Gomis en territoire gueugnonnais
Architecture du XXe en Saône-et-Loire
Maison I, 1969 – Chassy
Maison II, vers 1970-1974 – Vendenesse-sur-Arroux
A l’écart des routes principales, les deux maisons ne cherchent pas à se préserver des regards mais profitent chacune d’un panorama saisissant sur la vallée de l’Arroux et sur des paysages aux vallonnements reposants. Toutes deux sont l’œuvre d’un architecte décédé prématurément en 1972 – le second chantier était alors en cours – et dont la carrière écourtée promettait à une plus large reconnaissance. Auteur d’un célèbre château d’eau érigé en 1971 avec le sculpteur Philolaos dans la ZUP de Valence dont il était l’architecte en chef, André Gomis a essentiellement exercé dans le domaine de la planification urbaine et des grands ensembles (il a également signé la chaufferie centrale du grand ensemble de Bagneux, 1957-1960). A ce titre, les maisons de Vendenesse-sur-Arroux et de Chassy figurent comme des exceptions dans une production qui ne compterait que trois habitations particulières : celle que Gomis a édifiée pour son usage personnel à Orsay et celles qu’il a conçues pour ses deux beaux-frères. Construites à seulement quelques années d’écart, ces deux cartes blanches données à l’architecte de la famille affichent des partis différents, animés cependant par des aspirations communes.
Deux commandes, deux cartes blanches
Les deux frères montrent un même attachement pour le territoire sur lequel ils ont grandi et pour les terrains qu’ils ont choisis. Tous deux souhaitaient vivre à proximité de Gueugnon. Le premier a porté son choix sur une parcelle qui surplombe la forêt dans laquelle il chassait, et passa commande à son beau-frère. Aucune exigence particulière ne fut formulée, à condition que le budget limité soit respecté et que toute la famille puisse y vivre confortablement… Le second, qui avait mené des recherches infructueuses pour une maison ancienne, se tourna à son tour vers André Gomis. Dès lors, autant «construire moderne» !
Un même rapport au paysage
Les terrains acquis par les deux frères ont profondément conditionné les solutions développées par Gomis. Les deux maisons sont tournées vers le paysage. Elles s’ouvrent au panorama malgré des expositions qui ne sont pas optimales : ouest pour la première, laquelle bénéficie d’une vue sur l’étang familial en contre-bas, la forêt et la vallée de Gueugnon ; nord-est pour la seconde depuis laquelle, par beau temps, on aperçoit les monts du Morvan. Gomis était également sensible aux paysages locaux : il décida d’emblée que le lit de l’Arroux serait visible dès la porte d’entrée de la maison de Vendenesse. D’importants vitrages et des espaces amples sans cloisonnement ménagent ainsi une vue traversante, grâce à la multiplication des baies. Ce rapport étroit avec l’environnement se manifeste fortement dans le second chantier : cinq ans avant le début des travaux, l’architecte avait déjà pensé les aménagements du jardin et 300 arbres avaient été plantés dans l’attente de la construction prochaine.
Un champ libre pour l’expérimentation. Quelques tâtonnements.
Gomis n’était pas habitué aux commandes privées et les demandes formulées par ses beaux-frères ont été une occasion qu’il a su saisir pour mettre en application des techniques et des matériaux nouveaux. La maison de Chassy était auparavant couverte de shingle. Celle de Vendenesse met en œuvre des modules STAKA. Utilisés dans la création des plafonds à caissons, ces éléments de 83 x 83 centimètres ont conditionné toute la construction, les surfaces des différentes pièces devant impérativement être des multiples de ce format. Lorsqu’ils présentent leur maison, les maîtres d’ouvrages concèdent d’emblée quelques erreurs de conception et annoncent que, dans un contexte dominé par les préoccupations environnementales, de telles réalisations ne seraient plus envisageables aujourd’hui : de fortes déperditions thermiques, pas de volet, des vitrages importants. Ils osent également évoquer le manque de fonctionnalité des premiers plans dressés par l’agence, novice en matière d’habitat individuel. Dans la seconde maison, Gomis ne prévoyait pas de pièces annexes telles qu’un bureau ou même une buanderie alors qu’il affectait une grande surface à un vestiaire. Les commanditaires ont fait modifier les projets. Les propriétaires de Chassy saluent cependant l’ingénuosité du vaste débarras-vestiaire qui fait office d’entrée secondaire et dans lequel une baignoire à bottes a été aménagée directement dans le sol.
Des partis architecturaux différents
Les deux couples de commanditaires éprouvent pour leurs habitations un véritable attachement, alimenté par la richesse des espaces et à la qualité de vie quotidienne que celle-ci leur procure. La première réalisation ressemble vraisemblablement à la résidence personnelle de Gomis, avec ses longs toits sombres qui descendent jusqu’au sol; ceux-ci couvrent également le village de vacances de Guildel (Bretagne, 1963). Intérieur et extérieur sont marqués par la polychromie des matériaux ; la blancheur des murs contraste avec le bois et le revêtement du sol en ciment teinté. A la déconstruction relative de la maison de Chassy s’oppose la géométrie de la deuxième réalisation, contenue dans un cube et un parallélépipède couverts de toits plats. Certaines personnes du voisinage au moment du chantier pensaient d’ailleurs que l’on construisait un supermarché… Un tel décalage dans les formes peut s’expliquer: au sein de l’agence Gomis, les deux commandes n’ont pas été traitées par le même architecte ; Gomis a également pu profiter des chantiers pour développer des formes très différentes, comme il l’a fait avec les matériaux. Malgré leurs disparités, les deux maisons révèlent des traits communs : le séjour est conçu comme un espace ample sur lequel les autres pièces de vie s’ouvrent sans cloisonnement ; il est surplombé par une mezzanine qui dessert des chambres à l’étage. Entourée de banquettes ménagées dans l’épaisseur d’une marche, la cheminée est un élément fédérateur du foyer familial. La qualité des matériaux du second œuvre est constante, en particulier dans les menuiseries de la maison de Chassy (dont le châssis pivotant de la porte d’entrée) et les sols et panneaux muraux en liège de la maison de Vendenesse-sur-Arroux.
Extrait du Guide d’architecture en Bourgogne 1983-2007- Éditions Picard – 2008
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Deux maisons d’André Gomis en territoire gueugnonnais
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