Les Teintureries
- Opération lauréate du prix « Les Rubans du Patrimoine 2014 », dans la catégorie « communes entre 3 500 et 20 000 habitants ».
En 2006, avec la fermeture du bâtiment des teintureries, la ville de Tarare perdait l’un des derniers vaisseaux industriels de son industrie textile. Il avait été construit cent ans plus tôt, par-dessus la rivière Turdine, dont la pureté des eaux s’était avérée irremplaçable dans le processus de la teinture.
Il est très rare de voir renaître de ses cendres un bâtiment d’une telle envergure — 200 mètres de long sur trois niveaux, près de 6500 m² de planchers — tombé avec le déclin industriel, et plus encore, d’y faire cohabiter un telle diversité d’activités nouvelles. Ce qui apparaît d’emblée, c’est notamment la présence, sur une moitié du volume, d’une brasserie et d’une distillerie, encadrant une salle de restaurant qui, une à deux fois par semaine, se mue en café-concert. Sur l’autre moitié, une porte à l’enseigne du journal Le Progrès donne accès à l’antenne locale du quotidien rhodanien ; et une autre au bureau des conseillers de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Lyon et de celle des Métiers de l’Artisanat.
Enfin, différentes activités professionnelles — agent immobilier, expert-comptable, notaire ou assureur — se partagent les quelques centaines de mètres carrées de plateaux restants, auxquels on accède principalement par la grande porte centrale dans l’axe du bâtiment.
En sentinelle, le long de la route, l’ancien pavillon du gardien fait office de comptoir de vente de produits du terroir pour une vingtaine de producteurs locaux.
Sur toute la hauteur de la tourelle latérale créée pour installer circulations verticales et issues de secours, un signal monumental à l’enseigne du Ninkasi témoigne de ce tour de force du Maire de l’époque, qui, reprenant les reines de cette opération, est parvenu à convaincre la fameuse distillerie lyonnaise d’investir un tiers des surfaces disponibles et d’exploiter la rivière Turdine dont la pureté de l’eau autrefois précieuse aux Teintureries pouvait le devenir aujourd’hui tout autant pour le brassage de sa bière. L’arrivée de cette enseigne a joué en effet un formidable rôle de catalyseur pour la reconversion des teintureries, dont le l’aboutissement a également bénéficié de l’attractivité d’une implantation urbaine stratégique — à l’embranchement de la route nationale donnant accès au centre de Tarare depuis Lyon — mais également du travail des architectes qui ont su révéler de très belle manière la qualité patrimoniale de l’édifice.
L’agence Vurpas, lauréate d’un concours d’architecture lancée par la commune sur la base d’un programme initialement à vocation culturelle, avait pourtant dû réviser complètement sa copie lorsque, un an plus tard, la nouvelle municipalité décidait de faire de ce lieu emblématique un symbole du redressement économique de la ville.
Pour évoquer l’activité industrielle passée et présente, les architectes optent pour un habillage en plusieurs endroits, à l’extérieur mais aussi à l’intérieur, de panneaux rectangulaires d’aspect brut en tôle d’acier Corten déployé, qui confère une nouvelle identité au bâtiment. Ainsi constitue-il par exemple une double peau sur le pignon sud par lequel on découvre le bâtiment en entrant dans la ville. L’ancien édifice y a été raccourci de ce côté d’une quinzaine de mètres afin de dévoiler la rivière, au détriment de la rigoureuse symétrie originelle, mais à la faveur d’une plus grande ouverture sur la cité — le mur qui clôturait l’usine ayant été également abattu — et en mettant la monumentalité du pignon au service d’un « effet signal » particulièrement réussi dans la perspective de l’entrée de ville.
A l’intérieur du bâtiment, les motifs d’acier déployé réapparaissent, notamment sur les ascenseurs encadrant l’escalier principal, façon monte-charge. Le restaurant quant à lui, s’ouvre largement à la faveur de grandes baies vitrées intérieures, sur la distillerie d’un côté et sur la brasserie de l’autre. L’accord des pompiers sur ces baies monumentales n’a pas été aisé, mais la façon dont elles dévoilent, sur une double hauteur, l’enfilade des cuves d’inox ou de cuivre mêlées à la trame de poteaux et de poutres treillis centenaires est saisissante.
Dans l’aile ouest, au deuxième étage, le plateau a été redécoupé en bureaux. A la demande ou en accord avec les entreprises qui allaient s’installer, des baies intérieures ménagées dans de larges cadres de bois, des parois obliques ou courbes et des cloisons de verre prennent place de manière un peu convenue et décontextualisée, même si elles permettent de laisser visible la trame structurelle poteaux-poutres en béton armé mis en œuvre après l’incendie, qui, en 1947, ravagea la partie est de l’édifice.
A l’extérieur, le réaménagement complet des abords de l’usine — un grand parvis, des plantations, du mobilier, des éclairages, et une passerelle légère qui organise l’accessibilité sans chahuter le nivellement général du terrain — a permis d’inaugurer un espace public majeur de la ville, en lien avec l’animation du bar/restaurant.
Sept années auront finalement été nécessaires pour relever le défi de cette reconversion économique. Sur la façade, preuves de son succès, l’opération arbore de nouvelles enseignes qui entachent malheureusement quelques peu l’esthétique de l’ouvrage et auraient mérité un effort d’harmonisation.
L’opération s’avère quoiqu’il en soit extrêmement bénéfique dans le paysage urbain tant il est vrai qu’elle a permis de reconfigurer totalement l’entrée de ville de Tarare et de revaloriser l’image que bon nombre de rhodaniens en transit avaient de cette ancienne cité industrielle.
Texte CAUE Rhône Métropole
Requalification architecturale d’un bâtiment industriel, ancienne usine de teinturerie, à l’entrée de Tarare en lieu ouvert accueillant une brasserie-distillerie, un café-concerts, des bureaux ( Le Progrès, la Chambre de commerces et de l’Industrie, la Chambre des métiers… )et un espace événementiel. D’autres activités, telles qu’un hôtel prendront place dans un des volumes encore libre.
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