Lycée Le Corbusier
OBS-21
Le lycée Le Corbusier est un des derniers chantiers de Pierre Riboulet (1928-2003) et il représente un superbe testament. Il témoigne une dernière fois du respect de l’architecte pour ses pairs. D’abord pour Le Corbusier, par le nom bien sûr mais qu’il n’a pas choisi lui-même, mais surtout par les références au mouvement moderne ; ensuite pour Raymond Lopez, architecte du premier lycée édifié en 1963 et que Riboulet a en charge de reconstruire. Il rappelle enfin l’attachement d’un homme à des principes sur lesquels il s’est engagé dès ses études et que l’on pourrait résumer par la fidélité au mouvement moderne et une grande attention aux sites et à leur requalification, à la composition architecturale et au respect des usagers. Intellectuel reconnu, notamment pour son engagement dans la réflexion sur l’architecture et la ville, qu’il voulait à la fois moderne et humaniste, Pierre Riboulet a apporté un intérêt particulier aux lieux d’enseignement, où il a pu exprimer son rapport intime aux livres et son respect des lieux de savoir (il a construit trois bibliothèques, une université, un conservatoire et enfin le lycée Le Corbusier). C’est donc l’aboutissement d’une carrière portée par une éthique et une générosité sans faille que l’on retrouve dans cette opération. Ancien village maraîcher, Aubervilliers s’était rapidement métamorphosé en ville industrielle à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. De fait, la commune en porte les stigmates sous la forme de friches et d’un important patrimoine ouvrier. Attentif aux territoires en souffrance, Pierre Riboulet avait déjà fait une étude sur le quartier du Marcreux. C’est dans celui de Vallès-La Frette, à proximité du centre-ville, qu’est implanté le lycée. Ce secteur, très industriel, a fait l’objet dès la fin des années 1950 d’une opération de renouvellement urbain, et équipements et vastes programmes de logement se sont substitués aux implantations usinières. Raymond Lopez (1904-1966) en avait été un des principaux acteurs. Le terrain s’inscrit entre trois rues et représente un intérêt stratégique fort en terme d’aménagement urbain. Premier pari réussi avec un bâtiment qui s’impose plus par ses qualités esthétiques que par une monumentalité quelconque. Raymond Lopez avait fait le choix d’un plan ramassé, à l’alignement des rues, et construit des bâtiments aux volumes très découpés en brique apparente. Quelques 30 ans plus tard, les locaux étaient devenus obsolètes et la structure métallique ne pouvait être mise aux normes de sécurité. D’où le choix d’une démolition-reconstruction, pour un nouvel établissement pouvant accueillir 1 300 élèves. Avec une difficulté de taille : ne pas interrompre l’activité pendant la durée du chantier. La solution adoptée a été d’inverser les vides et les pleins, et en quelque sorte de construire un nouveau lycée en négatif : les bâtiments neufs s’élèvent dans la cour d’autrefois, tandis qu’à l’emplacement des anciens édifices s’étendent des jardins. De fait le phasage du chantier a été la clef de l’opération. Soucieux de ne pas faire disparaître totalement l’architecture de Lopez et au contraire d’en préserver des traces, Pierre Riboulet a conservé le bâtiment des logements de fonction ainsi que celui abritant le restaurant et le gymnase, un superbe parallélépipède de brique, porté par de puissants portiques en béton. Ce bâtiment servira de point d’appui à la nouvelle composition. L’organisation des espaces correspond à des principes complètement différents de ceux de Lopez qui avait conçu une grande barre de 150 m de long, abritant des salles de classe distribuées par un long couloir central et un grand volume pour les ateliers éclairé zénithalement. Dorénavant les classes, sans couloir, sont regroupées en quatre plots reliés par des coursives sur un socle de deux étages d’ateliers. Cet agencement favorable aux rencontres répond à une demande très forte des professeurs. Elle correspond également à une constante dans l’oeuvre de Pierre Riboulet, la recherche de lieux de rencontres généreux et de vastes espaces collectifs. Ici elle s’exprime largement dès l’entrée et structure l’ensemble du projet. L’accès, rue Léopold Réchaussière, s’effectue par un vestibule éclairé par deux patios traités en jardins et sur lequel s’ouvrent la salle polyvalente et le foyer des élèves. Il mène à l’atrium prolongé par une véritable rue intérieure, ample et lumineuse, qui constitue le coeur du lycée. Couverte d’une verrière, elle traverse le bâtiment, et s’élargit ponctuellement en trois placettes plantées. Dans cette rue intérieure se lit un hommage évident à Le Corbusier, d’autant plus que ses « façades » sont revêtues de grands aplats de couleurs primaires. Les escaliers relient les trois étages où les différents espaces sont desservis par des coursives. Au premier, se trouvent différents ateliers, ainsi que la bibliothèque et le gymnase (conservé et réhabilité). Les plots regroupant les classes sont aux second et troisième étages. Les façades, différentes selon leurs orientations, répondent toutes à une écriture architecturale sobre, basée sur la légèreté des éléments de béton poli préfabriqués, la transparence des rideaux de verre clair et l’opacité des murs de brique rouge. La logique de la pesanteur semble inversée. Les niveaux inférieurs affichent légèreté et transparence, tandis que la superstructure, qui semble flotter au dessus, se présente comme un bloc compact, seulement percé de baies horizontales, et revêtu de briques. Ce matériau a été l’objet d’un travail particulièrement soigné. Les briques de parement ont été choisies pour leur teinte et leur épiderme proches de celles d’origine. Dans le souci de retrouver ses dimensions, 22 x 5 cm, les plaquettes ont été fabriquées spécialement. Au niveau du socle, les murs aveugles (façade ouest) et l’escalier cylindrique, ont été traités en brique laissée apparente, protégeant l’isolation par l’extérieur. Les vastes espaces extérieurs ont été plantés de Gléditschia, féviers d’Amérique latine choisis pour la légèreté de leur feuillage. L’enceinte de brique rouge est constituée de la façade des anciens ateliers, arasée et complétée par des murets. Ses baies, équipées de grilles, permettent des vues intermittentes sur l’intérieur. Ce procédé, protecteur, laisse cependant découvrir les bâtiments par cadres successifs, comme une oeuvre d’art. Autres opérations de Pierre Riboulet en Seine Saint-Denis : Bibliothèque de l’université Paris VIII. Saint-Denis. (1991-1997) Extension de la clinique de la Porte de Paris. Saint-Denis. (1993-1996) 10×10 reconstruction de la cité Chantilly. Saint-Denis. (1997- 200-) Reconstruction de la cité Double Couronne. Saint-Denis. (2000- 200-)
Equipement scolaire
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