Samu 93
OBS-25
Implanté en bordure de l’hôpital Avicenne, le Samu s’inscrit dans un paysage en mal d’unité. Les lieux sont cependant fortement marqués par la présence des bâtiments néo mauresques de l’ancien hôpital Franco-musulman, construit en 1935 par les architectes Léon Azema et Maurice Mantout. Réservé dans un premier temps aux ressortissants d’Afrique du Nord, il a été ouvert par la suite à tous les malades. Devenu CHU, Centre hospitalo-universitaire, en 1965, il a été doté de nouveaux bâtiments en 1969 et 1975, puis en 2004 (à l’emplacement d’une nécropole gauloise mises découverte lors d’une campagne de fouilles préventives). L’hôpital a été rebaptisé du nom du célèbre médecin et philosophe d’Asie centrale Avicenne en 1978. Bien que remanié, l’ensemble des bâtiments des années 1930 a conservé l’essentiel du projet originel, un habile compromis entre modernisme et références mauresques. Ces dernières sont essentiellement concentrées sur les parties les plus visibles, porche d’entrée et bâtiment d’accueil (Larrey). Le porche est très inspiré de la porte Bâb al-Mansour al’Alj de Mekhnès au Maroc. Avec une partie du bâtiment Larrey il a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en 2006. Ce n’est donc pas un lieu anodin que Michel Bourdeau est venu investir. De même que ses prédécesseurs avaient refusé un orientalisme à bon compte, l’architecte n’a pas opté pour le néo, mais a conçu un bâtiment très contemporain. A peine a-t-il rendu hommage à son voisin en dessinant de discrètes portes en arc brisé pour les entrées latérales, et en reprenant la couleur verte, celle de l’islam bien sûr mais qui est aussi sa couleur fétiche qu’il aime à utiliser pour sa neutralité propre à accompagner la « dramaturgie d’un zoo de volumes »*. La SAMU-SMUR, Service d’aide médicale d’urgence – Service mobile d’urgence et de réanimation, était installé depuis trop longtemps dans des bâtiments provisoires avant que ne soit construit ce bâtiment original. Pour l’architecte il y avait aussi urgence à amener de la poésie dans la ville comme dans l’univers hospitalier. Pour lui, l’homme et la ville sont malades « il y a nécessité de s’interdire de bâtir la ville avec désinvolture… et aussi de réfléchir au malade et imaginer un hôpital qui n’apparaisse pas comme une machine. Un hôpital-paysage rythmé de volumes suspendus et aériens. Les médecins traversent des passerelles et luttent contre la montre. Les malades regardent le ciel, les jardins. La complexité et le secret de la forme humaine ont ici creusé leur écrin. Pour ce corps malade, l’espace se condense dans ce regard qui cherche »*. Mission accomplie, avec un édifice qui est rapidement devenu une référence dans la ville mais qui remplit également sa mission. Ce bâtiment étrange fait immédiatement penser à un poisson, sans doute un peu monstrueux. De son corps puissant se dégagent de chaque côté des excroissances rappelant des ouïes, son toit (dos ?) est surmonté d’un aileron de requin tandis que l’escalier des secours à l’arrière figure une étonnante nageoire caudale. Cette inspiration se retrouve également en plan. Cependant les audaces formelles des volumes répondent aux nécessités de la distribution des espaces intérieurs. Ceux-ci devaient s’adapter à un programme complexe : abriter le garage des ambulances, le CRA, Centre de régulation des appels, les bureaux et chambres des médecins et des ambulanciers ainsi que des salles d’enseignement. Le corps central, fait de verre et de métal, est composé d’un étage de bureaux et en partie basse du garage des ambulances, fermé de portes à crémaillères. Parois de verre structurel mobile sans cadre métallique, ces portes ont été étudiées spécialement par Saint-Gobain. La grande coque blanche à R+4, abrite au rez-de-chaussée les locaux de service, puis sur deux niveaux la vaste salle de régulation des appels. Deux standarts téléphoniques accompagnés de moyens de communication radio et informatiques, dominent les postes de travail des médecins chargés d’établir des diagnostics en temps réel avant l’envoi des ambulances et des camions de réanimation. Ce lieu stratégique, où serpente une longue table de travail en bois laqué est éclairé par une grande verrière en VEP, Vitrage Extérieur Parclosé , toute hauteur. Une mezzanine dessert les bureaux et les chambres lovés dans les ouies du poisson. Deux petites salles annexes, isolées par des portes de bois coulissantes, peuvent être mises à la disposition des secouristes ainsi qu’à la Croix-rouge, mais également être ouvertes et servir d’extension au CRA en cas de catastrophe. L’étage supérieur est occupé par la cafétéria équipée d’un mobilier dessiné par Michel Bourdeau. A l’autre extrémité, le pavillon nord à R+1, est celui des ambulanciers et des réserves de matériel. Ce bâtiment, rencontre réussie de lyrisme et de fonctionnalité, se distingue aussi par l’harmonie qui règne entre volumes et matériaux. Au zoomorphisme revendiqué des formes s’ajoute la variété des finitions : opus incertum de grès émaillés disposés en dégradé du blanc au noir sur les voiles courbes de la tour, peinture verte pour les parties saillantes et les éléments métalliques. Rappelons que le SAMU est un service hospitalier à part entière dirigé par un praticien hospitalier, souvent anesthésiste-réanimateur. Il existe un SAMU par département, implanté en général dans l’hôpital de la ville préfecture. Ses missions sont la régulation des appels d’aide médicale urgente, la participation aux différents plans de secours et la formation. Le SMUR effectue deux types d’interventions, les transports primaires (aide médicale urgente lors d’un accident ou d’un malaise) et les transports secondaires (entre hôpitaux lorsqu’un patient nécessite des soins ou une surveillance médicale), tout en permettant d’assurer la continuité des soins. Le personnel est constitué de médecins, d’infirmiers et d’ambulanciers. A Bobigny, le « 15 » répond à 400 à 700 appels en 24 heures. En 2007, 666 244 appels ont été reçus, dont 179 558 ont donné lieu à une intervention immédiate. * Les Points de repère du CAUE 93, n°11. Février 1994
Samu
Samu 93
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